Fondée par Marc Guyot en 2015, Eolink est devenue, dix ans plus tard, l’une des figures de proue bretonnes pour le développement de l’éolien flottant. L’entreprise a choisi le port de Brest pour assembler son démonstrateur pyramidal 5MW. Il prendra ensuite la direction du SEM-REV au large du Croisic pour y être éprouvé. Entretien avec Rudy Vanholme, responsable de l’ingénierie, Xavier Piot, chef de projet, et Alain Morry, directeur commercial.
Pouvez-vous retracer l’histoire d’Eolink ?
Rudy Vanholme : Eolink a été fondée par Marc Guyot en 2015, qui avait déposé un premier brevet de notre structure pyramidale de l’éolienne flottante. Au départ, il a réalisé un essai à l’échelle 1/50e dans le bassin de l’Ifremer, puis un test en conditions réelles en mer sur le site d’essais de Sainte-Anne-du-Portzic en rade de Brest à une échelle 1/10e et raccordé en 2018 au réseau Enedis. Cela a validé le concept et il a ainsi décidé d’aller plus loin en ayant pour projet la construction du démonstrateur 5MW sur lequel nous travaillons aujourd’hui. Nous espérons le mettre à l’eau sur le site du SEM-REV dans les années à venir et ainsi faire une première démonstration à une échelle une afin de pouvoir déployer notre solution au sein des futures fermes éoliennes flottantes dans les années à venir.
Xavier Piot : En 2022, Eolink s’associe avec deux actionnaires principaux. L’Espagnol Acciona Energia et le Français Valorem, qui est impliqué sur le démonstrateur 5MW, notamment sur l’aspect reconditionnement de la turbine et des pales qui viendront en tête de mât du prototype. Nous comptons une trentaine de salariés au total.
Où en êtes-vous dans l’assemblage, sur le port de Brest, de ce démonstrateur ?
R.V. : L’objectif était de maximiser les opérations à Brest. Pour cela, nous avons pré-fabriqué des blocs en acier dont la construction a démarré en juillet 2023, en Chine. Fin décembre 2024, ces blocs ont été déchargés sur le port de Brest. Aujourd’hui, ils reposent sur différents appendices dans la zone du Polder et nous préparons l’assemblage de ces éléments.
X.P. : Aujourd’hui, le démonstrateur, c’est une base de 52 m par 52 m à une hauteur de 140 m en haut des pales. Le disque balayé par les pales à un diamètre de 115 m exactement. Dans le futur, quand on parle de projet type 15 MW, 20 MW, voire au-delà, on atteint plutôt des disques de 250 à 300 mètres balayés. Et on arrive sur des hauteurs où on sera plutôt à plus de 300 mètres de haut.
Être prêt pour un déploiement de fermes commerciales dès 2030
Par rapport à vos concurrents, quelles sont les principales différences de votre démonstrateur ?
X.P. : C’est assez simple, c’est le nombre de mâts. La majeure partie de nos concurrents ont une technologie à un mât. Notre démonstrateur en compte 4. Ainsi, la répartition des efforts se fait mieux, nous permettant ainsi d’avoir un flotteur de dimension et de masse plus réduites.
R.V. : En règle générale, la partie supérieure de l’éolienne (nacelle) tourne autour de sa fondation qui est fixe par rapport au sol, comme pour l’éolien terrestre ou posé en mer. Pour Eolink, la turbine reste solidaire de la fondation pyramidale et c’est l’ensemble turbine/fondation qui tourne autour d’un point de rotation et qui s’oriente facilement et passivement face au vent.
Par ailleurs, Eolink prépare l’industrialisation de sa solution en déployant des techniques de la fabrication navale avec des modules constitués de panneaux plats en acier très fins et faciles à couper et à souder.
À quel horizon pouvez-vous prétendre à une industrialisation de ce démonstrateur ?
X.P. : L’un des enjeux du déploiement industriel de l’éolien flottant est la capacité à produire des structures massives dans un laps de temps court et avec des contraintes d’espace significatives dans les ports. Aujourd’hui, nous pouvons compter sur le retour d’expérience de notre unité de 5 MW et nos interactions avec le port de Brest afin de proposer un design de 15-20MW optimisé.
A.M. : L’ambition d’Eolink est d’être prête pour le déploiement de fermes commerciales dès 2030.
Qu’apporte à Eolink son implantation en Bretagne ?
X.P. : La Bretagne et notamment le bassin brestois peuvent compter sur un tissu de compétences liées à la mer très fort. Il y a l’Ifremer et France Énergies Marines avec qui nous travaillons beaucoup. Marc Guyot a souhaité s’implanter à Brest, notamment pour les capacités du port à répondre aux attentes industrielles. Avec Saint-Nazaire, ce sont les deux ports qui sortent du lot.
R.V. : Pour répondre aux appels d’offres français sur la côte Atlantique, Brest est un très bon point de départ. Je pense notamment à l’AO5 en Bretagne Sud. Nous sommes loin de la Méditerranée, mais si nous devons aller sur les îles britanniques, le passage de la Manche se fait assez rapidement. Nous pouvons transporter des éoliennes soit en remorquage simple, soit avec des bateaux semi-submersibles.
En termes d’infrastructure, la forme de radoub n°3 de Brest est une des plus grandes d’Europe. Le port de Brest investit massivement dans le développement de ses infrastructures pour porter le déploiement de cette nouvelle filière. Donc, ça a une valeur ajoutée. C’était moteur aussi. Je pense que Marc Guyot a senti cet aspect moteur que nous désirons développer et exploiter au maximum.
A.M. : L’ambition de la Région pour l’éolien flottant est clé et les ressources mises à disposition pour la mise en lumière des PME locales par Bretagne Ocean Power notamment sont de véritables atouts : mise en relation avec des grands groupes à travers plusieurs canaux, pitchs lors d’événements, sessions de networking, communication sur les réseaux sociaux, etc. La centralisation des opportunités au sein de ce réseau nous est utile pour avoir les bonnes informations ; étant donné que BOP est bien identifié par les donneurs d’ordre, c’est une source d’informations fiable.