Christophe Maisondieu, chercheur au sein de l’Ifremer, présente les liens qu’entretient l’institut avec le développement des énergies marines renouvelables (EMR).
Quels liens entretient l’Ifremer avec les énergies marines renouvelables ?
L’Ifremer a inscrit les EMR comme l’un de ces quatre thèmes prioritaires de recherche pour les 5 prochaines années. Nous avons un spectre assez large. L’idée est de pouvoir répondre à la fois aux interrogations des industriels, mais aussi des services de l’État pour accompagner le développement des énergies marines renouvelables. Tant sur les aspects technologiques comme le développement, la conception des structures mais également les aspects environnementaux et les impacts socio-économiques associés à l’ensemble des technologies EMR.
Quels moyens d’essai met à disposition l’Ifremer pour le développement de projets EMR ?
L’Ifremer propose plusieurs moyens d’essais. Le site de Saint-Anne-du-Portzic, tout d’abord, est une station in situ permettant de tester divers prototypes de taille intermédiaire. Le bassin à houle de Brest. Equipé d’un générateur de vagues, il est adapté aux tests de modèles réduits pour des systèmes houlomoteurs, des éoliennes flottantes, des systèmes de récupération de l’énergie thermique des mers et des systèmes flottants. Le canal d’essais hydrodynamique de Brest permet de générer une houle régulière ou irrégulière pour la validation de concepts, la réalisation d’études amont ou la contribution à la formation. Enfin, le bassin à houle et courant de Boulogne-sur-Mer sert dans l’étude de comportement de machines sous-marines ou de surface dans le courant et la houle, en particulier les hydroliennes.
Les EMR, un des thèmes prioritaires de l’Ifremer
Depuis combien de temps l’Ifremer travaille sur les aspects technologiques ?
Au moins une vingtaine d’années. L’idée est de contribuer à l’innovation dans le cadre de programmes de recherches partenariales afin d’avoir des systèmes plus performants et plus fiables, tout en étant développés en tenant compte de l’impact environnemental. On considère ici l’impact sur la biodiversité et aussi l’impact socio-économique, les interactions avec les autres métiers de la mer, avec les autres usagers de la mer en fait, qui sont aussi des thématiques assez importantes. Afin d’avoir cette approche globale, l’Ifremer s’est doté d’une feuille de route en 2024. Et donc, nous essayons de construire une démarche globale transversale qui s’appuie vraiment sur la pluridisciplinarité qui est un élément important disponible au sein de l’institut.
Quel est l’objet de cette feuille de route ?
Elle s’appuie sur trois orientations principales. D’abord la compréhension de ces socio-écosystèmes marins qui sont constitués des fermes de production et leur interaction avec l’environnement marin au sens système socio-économique.
Le deuxième axe porte plutôt sur les solutions pour des installations fiables et performantes. Ce sont plutôt les aspects technologiques, mais qui n’oublient pas à la fois la limitation de l’impact environnemental et les interactions avec les autres activités maritimes.
Le troisième aspect porte sur les capacités d’observation et de gestion de données pour contribuer à cette évaluation de l’impact sur les autres structures. Il y a à la fois du développement d’instrumentation, d’observation, de système d’observation et puis de la gestion, bancarisation de données.
Comment se matérialisent ces projets de recherche partenariale ?
Ils peuvent être menés dans le cadre de projets européens ou des projets, même nationaux, financés par l’Agence nationale de recherche par exemple. Nous répondons aux besoins des industriels. Pour l’éolien flottant, cela peut être l’optimisation des machines, surtout la partie support flottant et les ancrages, plus que la partie éolienne, turbine proprement dit, qui ne relève pas vraiment du domaine de compétences de l’Ifremer. Ce sera le couplage avec le support flottant, les lignes d’ancrage, les matériaux associés au développement de ces structures, qui doivent aussi répondre aux critères de respect de l’environnement.
Au niveau national, nous avons des partenariats en termes de moyens d’essai. Les nôtres font partie d’une infrastructure de recherche nationale nommée THeoREM qui regroupe les moyens d’essai en hydrodynamique et en moyens mécaniques de l’Ifremer, de Centrale Nantes, de l’Université Gustave-Eiffel et puis depuis 2024, de la Fondation Open-C qui met aussi ces sites d’essai en mer à disposition. L’un des objectifs de cette infrastructure est de se positionner au niveau européen. À terme, THeoREM doit être le représentant français au sein de MARINERG-I une Infrastructure de Recherche distribuée européenne, qui vise à soutenir le développement des énergies marines renouvelables dans leur ensemble, dont l’éolien flottant.
Combien de personnes travaillent sur le sujet des EMR au sein de l’Ifremer ?
Sur les chiffres de 2024, l’estimation est de l’ordre de 180 salariés mobilisés sur la thématique sur une base d’environ 1 500 personnes réparties dans nos quatre principaux départements scientifiques (Ressources Physiques et Ecosystèmes fond de mer, Ressources Biologiques et Environnement, Océanographie et Dynamique des Ecosystèmes, Infrastructures de Recherche et Systèmes d’Information). Des doctorants nous accompagnent sur des projets de recherche scientifique et des moyens d’essai.
Y a-t-il des projets éoliens ayant bénéficié des services de l’Ifremer ?
Nous avons accompagné Eolink pour la phase d’essais de leur preuve de concept d’éolienne flottante à échelle 1/50e. Ensuite nous avons réalisé des essais à échelle intermédiaire (1/10e) sur le site de Sainte-Anne du Portzic. La prochaine étape, pour eux, sera de se déployer sur le site du SEM-REV opéré par la Fondation Open-C. Entre-temps, Eolink revient dans nos bassins pour faire des tests complémentaires. C’est l’un des intérêts de nos moyens d’essai et de notre organisation en interne, mais aussi en lien avec THeoREM, de pouvoir accompagner ces projets depuis la preuve de concept jusqu’à, la pré-industrialisation, le prototype pilote.
Nous intervenons aussi sur le projet VELELLA (porté par la société BW Ideaol) visant à préparer le déploiement de projets commerciaux d’éolien flottant. Nous intervenons plus sur la R&D, sur des aspects spécifiques, sur des éoliennes qui sont déjà déployées, comme l’éolienne déployée actuellement sur le SEM-REV. Nous accompagnons sur les matériaux, les lignes d’ancrage, le comportement.
Quels sont les prochains projets EMR dans lesquels l’Ifremer est impliqué ?
Nous intervenons dans un projet transverse intitulé EMOI, réalisé dans le cadre d’un appel à projets de l’Observatoire national de l’Eolien en mer. Il vise à mieux comprendre l’impact des parcs éoliens en mer, qu’ils soient posés ou flottants, sur les écosystèmes pélagiques. Pour cela, il développe et optimise des méthodes d’observation adaptées au suivi environnemental, portant à la fois sur le milieu physique (hydrodynamique, qualité de l’eau) et le milieu biologique (production primaire, ressources halieutiques).
En matière d’hydrolien, nous avons un partenariat assez fort avec la société HydroQuest, qui va développer une ferme pilote. Nous avons ainsi développé un laboratoire commun, Verti-Lab, par lequel nous les accompagnons dans leur programme de R&D. Ce programme s’étale sur quatre ans. En parallèle, nous sommes partenaires du projet Flowatt de déploiement d’une ferme pilote dans le Raz Blanchard. Nous sommes partenaires sur les aspects R&D portant sur la caractérisation de la ressource et l’optimisation des machines. Nous nous appuyons sur nos moyens d’essais, en particulier le bassin à courant et houle de Boulogne-sur-Mer.
Normalement, à l’automne, nous devrions voir le déploiement d’une éolienne flottante développée par BlueTwin dans le cadre du projet Floatwin. Nous déploierons un prototype à l’échelle intermédiaire sur le site de Sainte-Anne du Portzic.